Le Québec risque d'avoir un concurrent sérieux dans ses efforts pour recruter des immigrants d'expression française parce que le gouvernement fédéral a décidé d'utiliser des mesures draconiennes pour les attirer vers d'autres provinces et territoires.
Ottawa compte beaucoup sur l'immigration francophone pour contrer l'érosion du poids démographique des francophones en situation minoritaire, c'est-à-dire hors Québec. C'est même le premier pilier de son Plan d'action pour les langues officielles 2023-2028, déposé le 26 avril.
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« Pour apporter des éléments de solution, le Plan d'action propose l'adoption d'une nouvelle politique d'immigration francophone. Cette nouvelle politique aidera à orienter les actions futures, [y compris] des efforts accrus de promotion et de soutien au recrutement tant au Canada qu'à l'étranger combinés à des mécanismes de sélection des immigrants plus robustes », a-t-il déclaré.
Le Canada a atteint sa cible de 4,4 % d'immigrants francophones hors Québec, avec 16 300 personnes, pour la première fois en 2022. Mais il en faudra plus pour contrer l'érosion. En 20 ans, la proportion de francophones hors Québec est passée de 4,4 % à 3,3 %, selon Statistique Canada.
Pour ramener le poids démographique de la francophonie à 4,4 %, la cible d'immigration francophone hors Québec devrait passer de 12 % en 2024 à 20 % en 2036, selon la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada.
« Nous proposons une cible progressive, précise la présidente de l'organisme, Liane Roy. Nous commençons à 12 % pour atteindre 20 % en 2036. »
Le gouvernement fédéral n'a pas encore annoncé de nouvelles cibles, mais le budget de 137,2 millions de dollars consacré à cet enjeu dans son plan quinquennal indique que les efforts seront intensifiés.
De ce total, un budget de 18,5 millions de dollars sera consacré à des efforts accrus de promotion et de recrutement, 50 millions de dollars iront au soutien à l'établissement et à l'intégration des immigrants et au renforcement des capacités d'accueil des communautés francophones et 25 millions de dollars à un nouveau projet d'innovation en immigration francophone Centre qui soutiendra ces communautés, entre autres.
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Bouche à oreille
Cette politique de recrutement et d'accueil arrive à un moment où le Québec a tendance à fermer le robinet. "Ce qui veut dire que le Québec va se retrouver avec un concurrent de taille pour l'immigration francophone, car on a un pas de plus, avec le certificat de sélection du Québec (CSQ)", avance Gabrielle Thiboutot, avocate spécialisée en immigration.
A cela s'ajoute un autre phénomène : le bouche à oreille.
Nous avons vu, dans les dossiers d'immigration, comment l'existence de bonnes pistes peut se répandre comme une traînée de poudre partout dans le monde.
Ce fut évidemment le cas de la route de Roxham, connue du Venezuela au Pakistan. Mais aussi d'autres secteurs, comme les collèges qui ont attiré une clientèle indienne. Le message que les candidats francophones sont les bienvenus au Canada sera rapidement entendu en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique.
Le défi sera de convaincre ces candidats que les autres provinces canadiennes constitueront un milieu de vie attrayant, sachant que leur lieu de départ naturel aurait plutôt été le Québec.
"La meilleure option"
L'Algérien Tayeb Oussedik fait partie des convaincus. Il a choisi le Manitoba plutôt que le Québec pour son bilinguisme. À Winnipeg depuis un peu plus de deux ans, il est directeur adjoint de l'Accueil francophone, un organisme qui facilite l'établissement des immigrants francophones et allophones au Manitoba.
"Ma femme et moi sommes essentiellement des globe-trotters", explique-t-il. Nous avons fait une trentaine de pays avant de décider de nous installer quelque part. En pesant le pour et le contre, on s'est dit que, peut-être, pour nos enfants, le Canada serait la meilleure option, pour son système d'éducation, son bilinguisme. Cela explique pourquoi nous n'avons pas choisi le Québec. »
Pourquoi Manitoba? « Au Manitoba, il y a ce lien avec la nature que je n'ai pas vu ailleurs », répond-il. Au-delà, c'est aussi pour les opportunités que la province pourrait offrir du point de vue de l'employabilité. Je suis arrivé à Winnipeg. Au bout d'un mois, j'ai trouvé un travail. Au bout de trois mois, j'ai été promu. Après deux ans, j'ai obtenu un poste que je n'aurais jamais pensé occuper dans une autre province. Le Service d'accueil et d'établissement m'a été d'une grande aide. »
112 000
Nombre de personnes au Manitoba qui connaissent le français, en légère hausse par rapport à 108 000 en 2016
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Source : Statistique Canada
Article original : La Presse
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